Entre Verdun et Faux-Fresnay : le long retour à la maison

05 décembre 2025

Perdre un proche pendant la Première Guerre mondiale était déjà une épreuve immense. Mais parfois, la douleur s’accompagnait de complications administratives et logistiques. Transport, autorisations, démarches… il fallait parfois des années pour que les corps puissent rejoindre la famille comme le montre l’histoire de Charles LOISELET, mon arrière-arrière-arrière-grand-père.

Le décès de Charles LOISELET

Charles LOISELET est originaire de Faux-Fresnay, un petit village au Sud de la Marne. En mars 1916, alors qu’il est mobilisé au front dans le secteur de Verdun, il contracte une pneumonie. Il est alors transporté à l’hôpital de Lyon, loin de sa famille et de sa commune d’origine, où il décède le 15 mars 1916.

Sa disparition bouleverse ses proches, qui doivent affronter le deuil à distance. Mais elle met aussi en lumière les difficultés liées au rapatriement des corps depuis les hôpitaux militaires ou les zones de conflit vers les villages d’origine.

Un corps bloqué et une inhumation provisoire

Après son décès à Lyon, le corps de Charles LOISELET est rapatrié. Mais cinq jours après son décès, le 20 mars 1916, il se retrouve bloqué à la gare de Sens. L’autorité militaire refuse le transport vers la commune d’origine, la famille n’ayant apparemment pas effectué les démarches nécessaires pour autoriser le convoi entre Sens et Faux-Fresnay.

Faute de solution immédiate, Charles est donc inhumé provisoirement dans le cimetière de Sens le 2 avril 1916. Cette inhumation temporaire lui offre un premier repos, mais laisse sa famille dans l’attente et l’espoir de pouvoir le rapatrier plus tard dans sa commune.

Les mois suivants sont marqués par des échanges épistolaires entre l’épouse de Charles, Amélie MORANT, et l’entreprise funéraire chargée du transport. Amélie refuse de payer certaines factures liées à cette inhumation temporaire et au transport du corps, tandis que l’entreprise souligne que la situation découle du manque de démarches de la famille. Les échanges deviennent de plus en plus tendus comme en témoigne une lettre datée du 18 juin 1916 dans laquelle l’entreprise écrit à Amélie : « Je voulais être conciliant avec vous mais je vois que vous mettez de la mauvaise volonté ».

Un rapatriement après plusieurs années

Ce n’est qu’après plusieurs années que la situation se débloque. En mai 1921, le corps de Charles LOISELET est finalement exhumé à Sens et transporté jusqu’à sa commune d’origine, où il reçoit sa sépulture définitive. Une fois son mari enfin rapatrié, Amélie règle les factures dues à l’entreprise funéraire.

Le Courrier de Sézanne du 31 mai 1921 rend compte de la cérémonie qui s’est tenue quelques jours plus tôt dans le village : « Samedi 16 courant avaient lieu les obsèques du regretté Charles Loiselet, de Faux-Fresnay. Une nombreuse assistance l’accompagnait à sa dernière demeure. »

Un discours est prononcé par M. Courjan, adjoint au maire, en hommage à Charles : « Charles Loiselet est né à Faux-Fresnay le 24 janvier 1870, de cultivateurs des plus aisés de la commune [...]. Il fut mobilisé peu de temps après la guerre au 5e régiment d’artillerie à pied [...]. C’est dans l’exercice de ses fonctions qu’il contracta la maladie qui vient de l’enlever à l’affection des siens [...]. Dors en paix, mon cher Charles, ta vie aura aidé pour sa part à nous délivrer des ennemis qui ont attaqué notre chère France et tu auras contribué dans la mesure de tes forces, à maintenir le droit et la liberté que ces hordes teutonnes voulaient nous enlever.[...]. »

Le discours évoque également son implication dans la vie locale, notamment comme administrateur de la Caisse d’épargne et membre honoraire de la fanfare municipale. L’assistance nombreuse reflète l’estime que le village portait à Charles, et le soulagement partagé de pouvoir lui offrir enfin un dernier repos chez lui, au milieu des siens.

Cette histoire montre à quel point le retour des soldats après la Première Guerre mondiale pouvait être long et compliqué. Derrière chaque nom dans les registres se cachent des histoires humaines, des familles qui attendaient, et le désir de retrouver leurs proches pour leur offrir un dernier repos digne, près de chez eux.